L’odorat est, contrairement à ce qui a régné pendant longtemps dans l’opinion publique, un sens primordial dans notre quotidien. Les troubles de l’odorat ont diverses causes. Ils peuvent être le premier symptôme de maladies neurodégénératives ou systémiques. Les conséquences sont nombreuses et relèvent d’un réel handicap. Mais contrairement aux autres sens, l’olfaction a la capacité d’un renouvellement régulier et donc d’une régénération spontanée avec une rééducation appropriée.
Nous avons tous connaissance de la cécité ou de la surdité. Mais comment appelle-t-on un individu qui a perdu son odorat ou bien son goût ? Les troubles de l’odorat sont souvent moins pris en compte, voire oubliés. Peut-être parce qu’ils sont plus rares ou parce qu’ils ne se voient pas dans la vie de tous les jours. Et pourtant, la perte de l’odorat concernerait 5% de la population. Un chiffre qui a considérablement été modifié depuis l’épidémie de Covid-19. Nous en parlerons dans un prochain article Aroma Forest.
Cette anosmie est souvent négligée face à d’autres infections et maladies. Or, on parle bien d’un handicap majeur. Chaque sens est infiniment important et nous allons comprendre pourquoi.
Le système olfactif, quelques rappels.
Souvenez-vous ! Dans l’article sur le système olfactif, nous avons détaillé le fonctionnement et expliqué le trajet entrepris par les molécules odorantes. Nous avons exploré l’importance de l’odorat, notre sens repère qui est capable de tirer la sonnette d’alarme en cas de danger. Nous avons fait le lien entre odeur, souvenir et plaisir. Des facteurs qui, en cas de trouble olfactif, ont des conséquences directes sur notre bien-être émotionnel et notre qualité de vie.
Quelles sont les anomalies possibles pour le système olfactif ?
Si notre système olfactif est en bonne santé, on parle de « normosmie ». A contrario, si on retrouve une dysfonction olfactive, nous serons en présence d’une « dysosmie ». Il s’agit d’un trouble décrit comme, toute altération qualitative ou distorsion de la perception de l’odorat. Ce trouble va donc venir inclure :
· Une perte totale de l’odorat : « l’anosmie »
· Une perte partielle de l’odorat : « l’hyposmie »
· Une impression olfactive, durant laquelle une personne croit sentir une odeur qui n’est pas présente : « la phantosmie »
· Un trouble olfactif conduisant la personne à désigner certaines odeurs comme désagréables, alors que pour tout un chacun, elles ne le sont pas ou inversement : « la cacosmie »
· Un trouble qui amène une hypersensibilité aux odeurs : « l’hyperosmie »
· Une perte complète du sens du goût : « l’agueusie »
Quelles sont les causes de l’anosmie ?
Il n’y a pas d’âge pour devenir anosmique et il est même possible de naître sans odorat. Dans ce cas, nous parlerons d’anosmie congénitale (5% des cas). Mis à part ce cas exceptionnel, les causes de l’anosmie peuvent provenir de différents événements (non exhaustif). On peut les distinguer en deux grands mécanismes de perte d’odorat, qui peuvent être temporaires ou définitif selon les cas.
Le premier est appelé « anosmie de transmission ». Réversible le plus souvent, le système olfactif fonctionne, mais les molécules odorantes n’arrivent pas à le stimuler. On peut retrouver cette perte par suite d’une infection virale (50% des cas) : qui fait suite à des rhinites, sinusites, allergies, …
Le second mécanisme est nommé « anosmie de perception ». On retrouve, dans ce cas, différentes origines :
· Traumatisme crânien (20% des cas) : qui fait suite à un choc violent à la tête, entraînant un ébranlement de la masse cérébrale.
· Exposition à un produit chimique (2% des cas) : peinture, produits chimiques, drogues,…
· Maladie neurodégénérative (moins de 2% des cas) : sclérose en plaques, maladie de Parkinson ou maladie d‘Alzheimer
· D’autres causes (moins de 2% des cas) : radiothérapie, troubles hormonaux, affections dentaires, cancer de la région ORL, maladies métaboliques comme le diabète sucré,…
Il est important de noter que dans certains cas, on ne trouve aucune cause à ce trouble (20% des cas).
Quelles en sont les conséquences ?
Alors certes, ce trouble n’empêche pas de trouver un travail, de vivre en autonomie ou de se déplacer. Mais l’odorat est un sens primordial dans notre quotidien et les conséquences de sa perte sont difficiles.
Ce qu’on appelle communément le goût, est à 90% lié à notre odorat. La perte de goût (agueusie), est donc une conséquence directe de l’anosmie. Lorsque l’on est atteint d’anosmie, il ne reste plus que les papilles pour déterminer le sucré, le salé, l’acide, l’amer, l’umami ainsi que le nerf « trijumeau », pour apprécier les aliments ou autres substances. En effet, lorsque l’on ingère un aliment, les saveurs viennent exploser en bouche et remonter par l’arrière de la gorge. L’odeur de cet aliment va arriver au niveau du cerveau, par la voie rétro-nasale (voir schéma). La perte de l’odorat implique donc que cette composante rétro-nasale disparaisse, les aliments semblent alors avoir beaucoup perdu de leur intérêt sensoriel. Cela peut amener certains individus à perdre du poids en raison de la perte d’appétit et de la malnutrition qui en résulte.
Ensuite, on retrouve un trouble des repères. Même si notre cerveau compense cette perte en envoyant des signaux d’odeurs qui n’existent pas, on va retrouver une fracture avec le monde extérieur. Tout l’entourage devient sans saveur, sans émotion. L’odorat est un sens magique, déclencheur d’enthousiasme et de souvenirs. Il est capable de nous faire voyager en une fraction de seconde. Il sublime le plaisir et la sexualité, car la perte de l’odeur de l’être aimé, induit souvent une baisse de la libido. Lorsque ce sens est absent, ce trouble des repères peut montrer chez certains individus, des signes de dépression (60% des personnes anosmiques font une dépression).
L’olfaction protecteur. Enfin, ce sens est aussi celui du danger. Il nous protège d’une fuite de gaz, d’une fumée ou d’une vapeur nocive, d’un élément en surchauffe dans notre voiture. Il nous permet également de nous protéger contre les intoxications alimentaires, de détecter la fermentation avancée d’une bouteille de lait, d’un yaourt ou d’un jus d’orange, le vieillissement d’un poisson ou d’une viande, d’un reste de nourriture dans notre réfrigérateur. Il nous permet tout simplement de savoir si nos mains sont propres.
Est-ce qu’on peut rééduquer son odorat et comment ?
Oui, c’est possible ! Au niveau thérapeutique, les traitements sont malheureusement limités. La corticothérapie orale, à forte dose et limitée dans le temps, est le traitement de première intention de l’anosmie. En revanche, la pratique quotidienne de la rééducation olfactive est très importante pour la récupération d’odorat. Elle permet, par le biais de la plasticité cérébrale, de recréer des connexions entre des récepteurs olfactifs du nez et le cerveau de l’odorat. Pour plus de détails à ce sujet, Aroma Forest en parle dans l’article « Post-covid : comment rééduquer mon odorat ? ».
Conclusion
Tous nos sens sont complémentaires et sont à la base du système de la perception de l’organisme. Prenons l’exemple de la vue, elle exerce une influence sur la saveur ou l’odeur d’un aliment. Manger une pomme ayant une forme de citron, va influencer ce qu’on ressent et va la rendre plus acide. Une reconnaissance à l’aveugle d’un aliment ou d’une boisson est toujours plus difficile.
Ainsi, une perte de l’odorat aura de fortes conséquences ; altération du goût, danger pour la sécurité, difficultés sociales, dépression et anxiété. Il existe donc des associations dans le soutien des personnes atteintes d’anosmie. Retenez que la perte de l’odorat est un handicap sensoriel invisible aux conséquences importantes.