Aroma Forest et l’Émancipation Féminine à Madagascar

Le 8 mars, le monde célèbre la Journée internationale des droits des femmes. Une journée dédiée à la reconnaissance des réussites, mais surtout des droits pour lesquels les femmes ont lutté à travers le globe. C’est une occasion de mettre en lumière les progrès accomplis ! Tout en soulignant les défis persistants tels que l’égalité des sexes, la justice sociale et l’autonomisation des femmes dans tous les domaines de la vie.

Vu tout ce qu’il reste à faire, on devrait en parler toute l’année. En 2024, le thème défini par les Nations Unies est “Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme”. Il comprend cinq axes clés nécessitant une action commune pour éviter que les femmes ne soient laissées pour compte : 

  • Revenir sur la question des droits humains 
  • Mettre fin à la pauvreté 
  • Mettre en œuvre un financement en tenant compte du genre 
  • Passer à une économie verte et une société de soins 
  • Soutenir les agents de changement féministes

Bien que l’objectif reste le même, le combat varie selon le pays où se trouve une société donnée.

Pour illustrer cela, nous nous tournerons vers Aroma Forest et ses partenaires tels que Label CBD et l’ONG L’Homme et l’Environnement, pour les actions entreprises pour les droits des femmes à Madagascar. Au cœur de cette initiative, on retrouve notre cher Olivier Behra, dont la vision inclusive et progressiste a beaucoup contribué à faire évoluer leur situation.

Contexte socioculturel à Madagascar

Olivier Behra arrive à Madagascar fin des années 1980. Biologiste innovant, il y est nommé chef de projet des Nations Unies alors qu’il a à peine 25 ans. Il sera chargé de travailler sur des stratégies de valorisation des ressources naturelles qui puissent lutter contre la pauvreté tout en servant la conservation de l’environnement. 80 % de la population malgache vit sous le seuil de pauvreté, et la protection de l’environnement n’est pas une priorité. Cependant, Olivier remarque qu’il existe un potentiel très important, largement sous-valorisé dans la collecte des plantes médicinales et aromatiques, une tâche habituellement attribuée aux femmes.

Dans la société malgache des années 90, les tâches considérées comme moins importantes étaient souvent « laissées » aux femmes, tandis que les hommes s’occupaient des activités jugées plus cruciales et significatives. Cette dynamique a conduit les femmes à s’occuper de la collecte de graines pour la production d’huiles et de plantes médicinales.

Innover en se servant des contextes dépassés

La connotation de “sous-produits” et sûrement la “complexité” de la tâche a fait en sorte que ce soient bien les femmes qui s’en occupent. Et oui, à ce moment-là, dans un ménage à Madagascar, les tâches qui étaient considérées comme “peu importantes” et encore “faciles à faire” s’attribuent donc aux femmes. L’homme s’occupait de retourner les terres pour la culture, de décider des plantations et de fabriquer des maisons.

La FAO est un organisme des Nations Unies qui a vocation d’œuvrer pour un développement agricole qui lutte contre la faim dans le monde, et l’implication des femmes dans les projets a, depuis le début des années 1990 en particulier, pris une place importante dans la sélection de projets.

Caricature : 

Dans un ménage, il est connu que le rôle de l’homme était de subvenir aux besoins de sa famille. D’autre part, celui de la femme était de rester à la maison, à cuisiner et à s’occuper des enfants.

Anecdote : 

Dans son travail, Olivier voit ces femmes qui ramassent des graines pour faire de l’huile et des plantes qui soignent. Et c’est bien quelques années après, quand l’une d’elles croise Olivier, qu’elle lui annonce, toute fière, qu’elle a pu envoyer sa fille dans la capitale pour étudier, et que cette dernière est maintenant secrétaire ! Et que tout ça, c’était grâce à ce que les Nations Unies appelaient encore à l’époque les produits forestiers mineurs..!

Aroma Forest : une vision inclusive

Lorsqu’Olivier a créé Aroma Forest, sa vision était telle qu’il devait trouver un moyen de valoriser ces ressources naturelles. Madagascar se trouve être un des pays les plus riches en espèces végétales uniques au monde utilisées par les humains (5% des plantes utilisées par l’humanité se trouvent sur l’île). Paradoxalement, les habitants vivent en très grande majorité sous le seuil de pauvreté.

Une des solutions qu’il a pu imaginer était donc la création d’Aroma Forest. Une société de production d’huiles essentielles pures et naturelles, de la collecte à la fabrication et à la vente. C’est bien à travers cette entreprise qu’il est possible de valoriser des plantes, parfois médicinales, et par conséquent, de protéger la nature. Pour Olivier, c’était le plus simple et le plus faisable à appliquer à ce moment-là.

Il faut savoir qu’au début du projet, lors des réunions, il n’y avait que des hommes. Lors des discussions pour la création de la réserve de Vohimana, les représentants des communautés locales étaient à 100% des hommes, “un truc de fou” disait Olivier. Il fallait faire avec pour respecter la culture mais trouver le moyen de faire changer les choses intelligemment.

Anecdote

Après quelques réunions, quand Olivier parlait du potentiel de faire des huiles essentielles, cela impliquait la collecte et le ramassage de plantes. D’un air indigné, les hommes qui se trouvaient dans la salle ont affirmé qu’il s’agissait plutôt d’un travail “pour les femmes”.

La création d’emplois et d’opportunités

Avant d’aller plus loin dans notre petite histoire, il faut savoir qu’à Madagascar, la société était plutôt ancrée vers le traditionalisme. C’est-à-dire qu’un ménage se conformait aux caricatures qu’on leur donne aujourd’hui : 

  • La femme à la cuisine
  • L’homme au travail
  • Les enfants à la maison
  • Le respect des anciens
  • Le culte aux étrangers 
  • [Vous voyez le topo].

La première étape de la création d’Aroma Forest a donc été de recruter des femmes. Chose qui leur a permis de participer activement à la collecte des plantes. Bien que cela puisse vous paraître anodin, aujourd’hui, en 2024, sachez que dans les années 90, dans une société traditionaliste, c’était du jamais vu. De plus, un bon nombre de femmes ont commencé à avoir un revenu, au même niveau que les hommes.

Mais Olivier, vous le connaissez [ou pas], il ne s’est pas arrêté là…

Anecdote

Olivier n’imaginait pas seulement des femmes au niveau de la collecte de ces plantes, il a aussi partagé sa vision avec quelques-unes. Parmi les décisionnaires et les responsables du projet d’Aroma Forest, Olivier a intégré Myriam, une jeune femme malgache, anthropologue et ingénieur. Je vous laisse imaginer l’état des réunions suivantes où la jeune femme se retrouvait au milieu d’une trentaine d’hommes, les “anciens”.

Bien heureusement, elle a su faire preuve d’ingéniosité, et pour que la communication passe mieux et que les choses avancent, elle a fait appel à son responsable agricole, un cinquantenaire bien robuste, pour introduire les réunions. Et c’est bien ce monsieur qui laissait ensuite la parole à Myriam pour les choses “techniques” et les questions à relever pour la bonne continuité du projet.

Et c’est ainsi que les choses ont commencé à bien fonctionner.

Les défis d’aujourd’hui, 20 ans après, consistent à ce que hommes et femmes arrivent à prendre des décisions ensemble, et ce, à tous les niveaux. Au cours de ces années, il y a aussi eu la création d’associations dans différents secteurs d’Aroma Forest, avec leur propre spécialité :

  • Les pépiniéristes
  • Les bûcherons
  • Les distillateurs
  • Le programme artisanal
  • Le programme santé, etc.

La différence est que pour chaque président de ces associations, il y a une vice-présidente qui l’épaule dans son travail et qui se partage les responsabilités. Et ce système est maintenant devenu un automatisme chez eux.

Le problème de la santé à Madagascar

Ce sont 10 femmes malgaches qui meurent CHAQUE JOUR de complications liées à la grossesse et à l’accouchement. Et chaque jour, près d’une centaine d’enfants malgaches meurent de maladies courantes et évitables.

Il n’y avait pas d’accès à la santé à Vohimana où Olivier commençait à soutenir le développement de bon nombre de femmes. Avec son ONG, Olivier a décidé de créer un centre de santé et les constatations du niveau de santé par les médecins mis en place ont là aussi été dramatiques : au cours des 12 premiers accouchements, il y a eu 6 décès, dont 3 mamans et 3 bébés.

Pour y remédier, Olivier décide d’embaucher deux sage-femmes pour que le centre de santé puisse aider spécifiquement pour les accouchements. Le centre de santé est construit à l’entrée du village. Et malgré le besoin, personne ne venait consulter les sages-femmes…

Anecdote :

La construction du centre de santé s’est faite à l’entrée du village. Autrement dit, il fallait traverser l’entièreté du village pour y accéder (ce qui n’était pas bien loin, même à pied). Le souci se trouvait plutôt dans la gestion du planning familial. En effet, les femmes avaient peur que leurs maris les voient aller au centre de santé.

Pour quelles raisons ? À ce moment-là, les femmes n’avaient pas le droit de décider seules de contrôler ou non les naissances. Elles devaient obtenir l’autorisation de leurs maris.

Ainsi, les accouchements se faisaient chez soi, uniquement avec l’aide d’une matrone. Vous pouvez imaginer les conséquences que cela pouvait avoir.

Qu’à cela ne tienne, Olivier fait reconstruire le centre de santé à côté du centre d’artisanat. L’artisanat étant considéré à l’époque encore comme un “sous-métier”, et donc que les femmes devaient s’en charger. Cela a permis aux femmes enceintes d’arriver toujours discrètement au centre de santé. Et de ce fait, d’avoir toutes les informations requises sur la santé féminine et sur le planning familial.

Le mot de la fin

Dans la vision partagée par Olivier, il est clair que les femmes jouent un rôle important dans les décisions importantes au sein d’Aroma Forest. L’entreprise possède une vision d’avenir où chaque flacon fait l’objet d’un travail minutieux pour contribuer à la préservation de la nature et à la régénération de l’environnement.

En général, nous pensons que les femmes ont une vision plus “fondamentale” de l’avenir, puisqu’elles sont porteuses des enfants. Il est plus difficile pour une femme de se débarrasser d’un enfant que pour un homme, c’est un fait. Et ce fait les oblige à réfléchir beaucoup plus à long terme. Bien sûr, cela n’enlève en rien la responsabilité du père, mais là n’est pas le sujet.

Mais disons que, à la base, il est logique qu’une femme soit plus responsable de l’avenir.

C’est pourquoi nous espérons que, bientôt à Madagascar, la place de la femme sera considérée comme étant plus importante, aussi bien au niveau professionnel qu’au niveau matrimonial.